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C’est l’architecte en chef des Monuments Historiques Jean Magnan qui indiqua à l’architecte Jean Michalon, chargé de la reconstruction de l’église, le nom de Maurice Rocher pour les vitraux. Rocher était apprécié des architectes pour sa rigueur esthétique, son respect de l’architecture et ses qualités esthétiques; Jean Barillet, spécialisé dans la dalle de verre fut retenu pour l'exécution des verrières. 

Lettre de Maurice Rocher à Jean Michalon le 21 août 1957 : «  Je suis comme vous persuadé que le chœur serait pour plusieurs raisons très souhaitable en dalle de verre, le reste de l’église pouvant très bien être en vitraux sous plombs. On distinguerait alors le transept très précis concernant des scènes ou personnages ; les bas-côtés, traités en vitreries abstraites très recherchées en graphisme et en taches ; enfin la haute nef très claire en carrés ou rectangles. » 

Mais Rocher revit son projet de figuration dans le transept, sans doute pour harmoniser l’église. Il établissait un plan de coloration global et choisissait lui-même ses tons chez le verrier. « Bas-côté, curé aimerait couleurs. Faire trois tons  dorés battus. Famille de tons  avec différence de valeurs. Haute nef : carrés plus petits et plus clairs. » « Haute nef rose blanc neutre mais pas mauve. Peut-être chercher pour basse nef étude d’ensemble des baies avec taches libres sur fond large. Taches précieuses. » (21 octobre 1958)

Le curé Yon proposa des figures précises pour le chœur  (une croix byzantine dans l’axe) mais Rocher préféra des symboles. «  J’ai longuement réfléchi à vos lettres et aux indications que vous voulez bien me donner pour ces vitraux. Cela m’a été très précieux, je m’en suis inspiré pour l’ensemble et n’ai pris quelques liberté que là où les nécessités plastiques me semblaient l’exiger. Avant tout, réussir un ensemble qui serve l’architecture et garde son unité tout en créant une atmosphère religieuse, tels sont mes buts, vous le savez. » 

Les motifs stylisés sont ceux des deux saints patrons de l’église, Saint Pierre et Saint Paul et de deux saints honorés localement, Otaire et Vincent autour de la figure du Christ, représenté par la Croix. Notes de Maurice Rocher:

Saint-Otaire : Crosse d’abbé, Mitre, Cordon monastique, Petite chapelle pour rappeler son culte

Saint-Pierre : Clés entrecroisées, Armes de Saint-Pierre, Pie XII, Tiare

Le Christ :

Saint-Paul : Glaive, Épée, Livre (plume et encre), Armes de Mgr de Coutances

Saint-Vincent (diacre et martyr) : Étole de diacre, Palme de martyre, Gril et chaines

Les contrats pour les vitraux furent signés le 19 mai et le 20 novembre 1958. La superficie des vitraux était de 113 m pour l’église et de 62 pour le chœur. Le chantier fut terminé en 1959.

Ni le chœur en demi-cercle, ni les motifs stylisés de ses verrières ne suscitèrent l’enthousiasme des habitants de Sainteny qui regrettait l’ancien chœur carré. Lors de la Reconstruction normande, les diktats venus de Paris n’étaient pas toujours bien accueillis par une population déjà éprouvée par la guerre. Elle se réapproprie aujourd'hui son héritage grâce à des initiatives institutionnels (par exemple l'exposition en 2011 des Archives de la Manche sur la Reconstruction de la Manche, les Journées du Patrimoine) ou individuelles.

 

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(1) Le déclenchement du deuxième conflit mondial pose des problèmes d’une ampleur sans précédent au service des Monuments historiques. Dès  1935, le service prépare les mesures de « défense passive » : les vitraux sont déposés, les parties sculptées les plus intéressantes sont protégées par des sacs de sable, des mesures sont prises contre l’incendie, et les objets et œuvres d’art sont évacués. La « drôle de guerre » constitue une chance pour le service, en lui laissant le temps de mener à bien toutes ces opérations, qui ne sont toutefois que partielles et sélectives. Le souvenir de la « barbarie allemande » est encore bien vivant en 1939, mais les destructions volontaires de monuments sont réduites, en partie grâce à l’action du service allemand de protection des monuments : le Kunstschutz. À la Libération, les alliés se dotent eux aussi d’un tel service. Toutefois, de nombreux édifices souffrent des réquisitions. Après les combats, les difficultés sont multiples. Les dommages de guerre sont pris en charge par le seul service des Monuments historiques (loi du 12 juillet 1941) mais l’argent manque.

Les architectes en chef des Monuments historiques n’hésitent pas à reconstruire les monuments à partir de presque rien : pour eux, l’architecture est un art reproductible à partir du moment où il existe une documentation suffisante. Les travaux de reconstruction sont l’occasion d’« améliorer » les monuments d’un point de vue esthétique, technique ou archéologique. Le souci d’authenticité n’est pas toujours respecté par les architectes en chef qui profitent parfois de l’occasion pour reconstituer un état idéal ou antérieur. Certains éléments sont simplifiés afin de faire des économies. Le choix des matériaux est déterminé par leur solidité, car les restaurations doivent être les plus durables possible. Pour les vitraux, le service encourage la création contemporaine pour remplacer ceux du XIXe siècle jugés de mauvais goût. Patrice Gourbin, Les Monuments historiques de 1940 à 1959. Administration, architecture, urbanisme. Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 286

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(2) Le chanoine Pinel (1890-1972) fut chargé à partir de 1949  de la direction diocésaine de la Reconstruction, jouant un rôle déterminant auprès des maires et des curés. Il œuvra à la restauration de trois cent cinquante sanctuaires et de cent cinquante presbytères et d’un grand nombre de chapelles et oratoires mutilés au cours des hostilités. Une renaissance au 20ème siècle, la Reconstruction de la Manche (1944-1964), Élisabeth Marie et Gilles Désiré dit Gosset, OREP Éditions, 2011, p.212

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